Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/231

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droit de lui dire : Vos belles lèvres en ont menti et vos baisers sentent la calomnie ; que dirait-elle ? Elle serait peut-être moins superbe, non pas moins belle… Adieu, mon cher, à ce soir.

Si Armand n’avait pas plus longuement insisté pour dissuader son frère de se battre, ce n’était pas qu’il crût impossible de l’en empêcher ; mais il le savait trop violent, surtout dans un moment pareil, pour essayer de le convaincre par la raison ; il aimait mieux prendre un autre moyen. La Bretonnière, qu’il connaissait de longue main, lui paraissait avoir un caractère plus calme et plus facile à aborder : il l’avait vu chasser prudemment. Il alla le trouver sur-le-champ, résolu à voir si de ce côté il n’y aurait pas plus de chances de réconciliation. La Bretonnière était seul, dans sa chambre, entouré de liasses de papiers, comme un homme qui met ses affaires en ordre. Armand lui exprima tout le regret qu’il éprouvait de voir qu’un mot (qu’il ignorait du reste, disait-il) pouvait amener deux gens de cœur à aller sur le terrain, et de là en prison.

— Qu’avez-vous donc fait à mon frère ? lui demanda-t-il.

— Ma foi, je n’en sais rien, dit la Bretonnière, se levant et s’asseyant tour à tour d’un air un peu embarrassé, tout en conservant sa gravité ordinaire : votre frère, depuis longtemps, me semble mal disposé à mon égard ; mais, s’il faut vous parler franchement, je vous avoue que j’ignore absolument pourquoi.