Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/255

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poste à minuit, avec un portefeuille plein de billets de banque, et envoyée aux État-Unis, etc.

— Suffit, dit Marcel, nous connaissons cela. Zélia improvise, et quant à mademoiselle Mimi (ainsi s’appelait mademoiselle Pinson en petit comité), ses renseignements sont imparfaits. Vos clercs d’avoué n’ont gagné qu’une entorse en voltigeant sur les ruisseaux ; votre banquier a offert une orange, et votre brodeuse est si peu aux États-Unis, qu’elle est visible tous les jours, de midi à quatre heures, à l’hôpital de la Charité, où elle a pris un logement par suite de manque de comestibles.

Eugène était assis auprès de mademoiselle Pinson. Il crut remarquer, à ce dernier mot, prononcé avec une indifférence complète, qu’elle pâlissait. Mais, presque aussitôt, elle se leva, alluma une cigarette, et s’écria d’un air délibéré :

— Silence à votre tour ! Je demande la parole. Puisque le sieur Marcel ne croit pas aux fables, je vais raconter une histoire véritable, et quorum pars magna fui.

— Vous parlez latin ? dit Eugène.

— Comme vous voyez, répondit mademoiselle Pinson ; cette sentence me vient de mon oncle, qui a servi sous le grand Napoléon, et qui n’a jamais manqué de la dire avant de réciter une bataille. Si vous ignorez ce que ces mots signifient, vous pouvez l’apprendre sans payer. Cela veut dire : « Je vous en donne ma pa-