Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/282

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foncée, à demi caché sous un rideau de serge verte dont elle s’était fait, tant bien que mal, un châle. De cet accoutrement singulier, mais qui, du reste, n’attirait pas les regards, à cause de sa couleur sombre, sortaient sa tête gracieuse coiffée de son bonnet blanc, et ses petits pieds chaussés de brodequins. Elle s’était enveloppée dans son rideau avec tant d’art et de précaution, qu’il ressemblait vraiment à un vieux châle et qu’on ne voyait presque pas la bordure. En un mot, elle trouvait moyen de plaire encore dans cette friperie, et de prouver, une fois de plus sur terre, qu’une jolie femme est toujours jolie.

— Comment me trouvez-vous ? dit-elle aux deux jeunes gens en écartant un peu son rideau, et en laissant voir sa fine taille serrée dans son corset. C’est un déshabillé du matin que Palmyre vient de m’apporter.

— Vous êtes charmante, dit Marcel. Ma foi, je n’aurais jamais cru qu’on pût avoir si bonne mine avec le châle d’une fenêtre.

— En vérité ? reprit mademoiselle Pinson ; j’ai pourtant l’air un peu paquet.

— Paquet de roses, répondit Marcel. J’ai presque regret maintenant de vous avoir rapporté votre robe.

— Ma robe ? Où l’avez-vous trouvée ?

— Où elle était, apparemment.

— Et vous l’avez tirée de l’esclavage ?

— Eh, mon Dieu ! oui, j’ai payé sa rançon. M’en voulez-vous de cette audace ?