Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/304

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sacrer la vie que vous m’avez donnée. Je reviendrai, mais je veux partir ; je ne saurais plus rester dans ces lieux.

— D’où vient cela ?

— D’un amour extrême. J’aime éperdûment mademoiselle d’Annebault.

— Vous savez que c’est inutile. Il n’y a que Molière qui fasse des mariages sans dot. Oubliez-vous aussi ma disgrâce ?

— Eh ! monsieur, votre disgrâce, me serait-il permis, sans m’écarter du plus profond respect, de vous demander ce qui l’a causée ? Nous ne sommes pas du parlement. Nous payons l’impôt, nous ne le faisons pas. Si le parlement lésine sur les deniers du roi, c’est son affaire et non la nôtre. Pourquoi M. l’abbé Chauvelin nous entraîne-t-il dans sa ruine ?

M. l’abbé Chauvelin agit en honnête homme. Il refuse d’approuver le dixième, parce qu’il est révolté des dilapidations de la cour. Rien de pareil n’aurait eu lieu du temps de madame de Châteauroux. Elle était belle, au moins, celle-là, et elle ne coûtait rien, pas même ce qu’elle donnait si généreusement. Elle était maîtresse et souveraine, et elle se disait satisfaite si le roi ne l’envoyait pas pourrir dans un cachot lorsqu’il lui retirerait ses bonnes grâces. Mais cette Étioles, cette Le Normand, cette Poisson insatiable !

— Et qu’importe ?

— Qu’importe ! dites-vous ? Plus que vous ne pen-