Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui s’élève en l’air, et, sur cet escalier encore, Piranési sur le bord d’un autre précipice. Regardez encore plus haut, et un escalier encore plus aérien se dresse devant vous, et encore le pauvre Piranési continuant son ascension, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’éternel escalier et Piranési disparaissent ensemble dans les nues, c’est-à-dire dans le bord de la gravure.

Cette fiévreuse allégorie représente assez exactement l’ennui d’une peine inutile, et l’espèce de vertige que donne l’impatience. Le chevalier, voyageant toujours de salon en salon et de galerie en galerie, fut pris d’une sorte de colère.

— Parbleu ! dit-il, voilà qui est cruel. Après avoir été si charmé, si ravi, si enthousiasmé de me trouver seul dans ce maudit palais (ce n’était plus le palais des fées), je n’en pourrai donc pas sortir ! Peste soit de la fatuité qui m’a inspiré cette idée d’entrer ici comme le prince Fanfarinet avec ses bottes d’or massif, au lieu de dire au premier laquais venu de me conduire tout bonnement à la salle de spectacle !

Lorsqu’il ressentait ces regrets tardifs, le chevalier était, comme Piranési, à la moitié d’un escalier, sur un palier, entre trois portes. Derrière celle du milieu, il lui sembla entendre un murmure si doux, si léger, si voluptueux, pour ainsi dire, qu’il ne put s’empêcher d’écouter. Au moment où il s’avançait, tremblant de prêter une oreille indiscrète, cette porte s’ouvrit à deux battants. Une bouffée d’air embaumée de mille par-