Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/336

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de grâce que vous me faites ; mais, par malheur, je n’en puis profiter.

— Pourquoi cela ?

— Je n’ai pas l’honneur d’appartenir à Sa Majesté.

— Comment donc êtes-vous venu ici ?

— Par un hasard. J’ai rencontré en route un page qui s’est jeté par terre, et qui m’a prié…

— Comment, jeté par terre ! répéta la marquise en éclatant de rire. (Elle paraissait si heureuse en ce moment, que la gaieté lui venait sans peine.)

— Oui, madame, il est tombé de cheval à la grille. Je me suis trouvé là, heureusement, pour l’aider à se relever, et, comme son habit était fort gâté, il m’a prié de me charger de son message.

— Et par quel hasard vous êtes-vous trouvé là ?

— Madame, c’est que j’ai un placet à présenter à Sa Majesté.

— Sa Majesté demeure à Versailles.

— Oui, mais vous demeurez ici.

— Oui-da ! En sorte que c’était vous qui vouliez me charger d’une commission.

— Madame, je vous supplie de croire…

— Ne vous effrayez pas, vous n’êtes pas le premier. Mais à propos de quoi vous adresser à moi ? Je ne suis qu’une femme… comme une autre.

En prononçant ces mots d’un air moqueur, la marquise jeta un regard triomphant sur la lettre qu’elle venait de lire.