Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/84

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leur verte qu’on voit briller sur les canards ; mais mon bec est trop court et mon pied trop grand ; et voyez de quelle queue je suis affublé ! la longueur de mon corps n’en fait pas les deux tiers. N’y a-t-il pas là de quoi se donner au diable ?

— Et moi, monsieur, dit le Chinois, mon infortune est encore plus pénible. La queue de mon confrère balaye les rues ; mais les polissons me montrent au doigt, à cause que je n’en ai point[1].

— Messieurs, repris-je, je vous plains de toute mon âme ; il est toujours fâcheux d’avoir trop ou trop peu n’importe de quoi. Mais permettez-moi de vous dire qu’il y a au Jardin des Plantes plusieurs personnes qui vous ressemblent, et qui demeurent là depuis longtemps, fort paisiblement empaillées. De même qu’il ne suffit pas à une femme de lettres d’être dévergondée pour faire un bon livre, ce n’est pas non plus assez pour un merle d’être mécontent pour avoir du génie. Je suis seul de mon espèce, et je m’en afflige ; j’ai peut-être tort, mais c’est mon droit. Je suis blanc, messieurs ; devenez-le, et nous verrons ce que vous saurez dire.

  1. Ces descriptions du merle de la Chine et du merle du Sénégal sont exactes.