Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/91

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combien mon amour est plus grand ! Oh ! que mon génie fût une perle, et que tu fusses Cléopâtre !

En radotant ainsi, je pleurais sur ma femme, et elle déteignait visiblement. À chaque larme qui tombait de mes yeux, apparaissait une plume, non pas même noire, mais du plus vieux roux (je crois qu’elle avait déjà déteint autre part). Après quelques minutes d’attendrissement, je me trouvai vis-à-vis d’un oiseau décollé et désenfariné, identiquement semblable aux merles les plus plats et les plus ordinaires.

Que faire ? que dire ? quel parti prendre ? Tout reproche était inutile. J’aurais bien pu, à la vérité, considérer le cas comme rédhibitoire, et faire casser mon mariage ; mais comment oser publier ma honte ? N’était-ce pas assez de mon malheur ? Je pris mon courage à deux pattes, je résolus de quitter le monde, d’abandonner la carrière des lettres, de fuir dans un désert, s’il était possible, d’éviter à jamais l’aspect d’une créature vivante, et de chercher, comme Alceste,

…… Un endroit écarté,
Où d’être un merle blanc on eût la liberté !