Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/98

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voulait pas laide, non plus ; il désirait qu’elle eût de l’instruction et de l’intelligence, avec le moins d’esprit possible ; ce qu’il recherchait par-dessus tout, c’était de la gaieté et une humeur égale, qu’il regardait, dans une femme, comme les premières des qualités.

La fille d’un négociant retiré, qui demeurait dans le voisinage, lui plut. Comme le chevalier ne dépendait de personne, il ne s’arrêta pas à la distance qu’il y avait entre un gentilhomme et la fille d’un marchand. Il adressa à la famille une demande qui fut accueillie avec empressement. Il fit sa cour pendant quelques mois, et le mariage fut conclu.

Jamais alliance ne fut formée sous de meilleurs et de plus heureux auspices. À mesure qu’il connut mieux sa femme, le chevalier découvrit en elle de nouvelles qualités et une douceur de caractère inaltérable. Elle, de son côté, se prit pour son mari d’un amour extrême. Elle ne vivait qu’en lui, ne songeait qu’à lui complaire, et, bien loin de regretter les plaisirs de son âge qu’elle lui sacrifiait, elle souhaitait que son existence entière pût s’écouler dans une solitude qui, de jour en jour, lui devenait plus chère.

Cette solitude n’était cependant pas complète. Quelques voyages à la ville, la visite régulière de quelques amis y faisaient diversion de temps en temps. Le chevalier ne refusait pas de voir fréquemment les parents de sa femme, en sorte qu’il semblait à celle-ci qu’elle n’avait pas quitté la maison paternelle. Elle