Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Poésies I.djvu/245

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POÉSIES.

On sent dans sa prison l'hirondelle mourir.
Si tout cela, du moins, vous laissait quelque chose !
On garde le parfum en effeuillant la rose ;
Il n’est si triste amour qui n’ait son souvenir.

Lorsque la jeune fille, à la source voisine,
A sous les nénuphars lavé ses bras poudreux,
Elle reste au soleil, les mains sur sa poitrine,
A regarder longtemps pleurer ses beaux cheveux.
Elle sort, mais pareille aux rochers de Borghèse,
Couverte de rubis comme un poignard persan.-
Etsur son front luisant sa mère qui la baise
Sent du fond de son cœur la fraîcheur de son sang.
Mais le poète, hélas ! s’il puise à la fontaine,
C'est comme un braconnier poursuivi dans la plaine,
Pour boire dans sa main, et courir se cacher.
Et cette main brûlante est prompte à sécher*.

Je ne fais pas grand cas, pour moi, de la critique.
Toute mouche qu’elle est, c’est rare qu’elle pique.
On m’a dit l’an passé que j’imitais Byron :
Vous qui me connaissez, vous savez bien que non.
Je hais comme la mort l’état de plagiaire ;
Mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre
C’est bien peu, je le sais, que d’être homme de bien,
Mais toujours est-il vrai que je n’exhume rien.

  • C’est un pâle soleil qui vient la lui sécher.

(Édition de 1833 et manuscrit autographe.)