Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Poésies I.djvu/29

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C’est ainsi, Belisa, qu’au cœur de ma pensée Tient et résiste encor cette amour insensée. Quoi qu’il en soit, il faut que je frappe. — Et j’ai peur De trembler devant elle.

BELISA.

As-tu si peu de cœur ?

DON PAEZ. Elle mourra, sorcière, en m’embrassant.

BELISA. Écoute. Es-tu bien sur de toi ? Sais-tu ce qu’il en coûte Pour boire ce breuvage ?

DON PAEZ. En meurt-on ?

BELISA. Tu seras Tout d’abord comme pris de vin. — Tu sentiras Tous tes esprits flottants, comme une langueur sourde; Jusqu’au fond de tes os, et ta tête si lourde Que tu la croirais prête à choir il chaque pas.- Tes yeux se lasseront, — et tu t’endormiras ; Mais d’un sommeil de plomb, — sans mouvement, sans rêve C’est pendant ce moment que le charme s’achève. Î)ès qu’il aura cessé, mon fils, quand tu serais Plus cassé qu’un vieillard, ou que dans les forêts Sont ces vieux sapins morts qu’e11 marchant le pied brise, Et que par les fossés s’en va poussant la bîse,