Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/119

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bonne foi et du désintéressement. M. Sainte-Beuve citait les passages des deux volumes qui l’avaient particulièrement frappé ; puis il ajoutait : « Ce sont là, à mon sens, des vers d’une telle qualité poétique, que bien des gens de mérite, qui sont arrivés à l’Académie par les leurs (M. Casimir Delavigne lui-même, si l’on veut), n’en ont peut-être jamais fait un seul dans ce ton. Ces sortes d’images se trouvent et ne s’élaborent pas. Je donne la moindre en cent à tous faiseurs, copistes, éplucheurs, gens de goût, etc. »

On aime à voir le critique s’animer ainsi, s’oublier, ôter son bonnet de juge dans un mouvement d’enthousiasme, et pousser jusqu’à l’imprudence le dégagement de toute arrière-pensée. À la fin de son article, M. Sainte-Beuve rappelait d’une façon délicate qu’il était poète lui-même, en disant que Marlow et Rotrou, après l’arrivée de Shakspeare et de Corneille, s’étaient sauvés de la souffrance par l’admiration.

L’exemple donné si délibérément par M. Sainte-Beuve eut un petit nombre d’imitateurs ! Quelques articles parurent de loin en loin. On tomba d’accord assez généralement sur le mérite du portrait de don Juan dans Namouna. Il ne fallait plus songer à nier le talent ; mais on pouvait encore contester l’originalité. Tout ressemble à quelque chose. La critique revint au reproche, répété depuis et avec si peu de discernement, d’avoir imité lord Byron et d’autres