Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/132

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coup, en lui disant : « J’ai l’honneur de vous présenter M. Alfred de Musset, dont je désirais depuis longtemps vous faire faire la connaissance. »

Chaudesaigues balbutia, prit son chapeau et gagna la porte au bruit d’un fou rire qu’on ne pouvait plus maîtriser. Mais il avait un meilleur caractère que Gustave Planche ; il revint demander pardon de son algarade, quand il aurait pu se plaindre d’un malin tour. On lui tendit la main et il fut admis dans un cercle où il commit quantité d’autres maladresses dont on s’amusa.

Il semblait qu’une association où l’on vivait si gaiement, où l’on mettait en commun talents, esprit, grâce, jeunesse et bonne humeur, ne pourrait jamais se dissoudre. Il semblait surtout que des gens si heureux n’eussent rien de mieux à faire que de rester dans un intérieur qu’ils avaient su rendre charmant pour eux et pour leurs amis. Mais non : une inquiétude ennemie du bien, une espèce de turbulence incompréhensible s’empara d’eux. Ils se mirent à souhaiter un milieu plus beau qu’un petit salon dans la première ville du monde. Cette ville devint à leurs yeux un amas de pierres poudreux et enfumé, dont il fallait se sauver. Ils commencèrent par une excursion à Fontainebleau. Ce ne fut pas assez : aux approches de l’hiver, ils parlèrent de l’Italie. Ce sujet de conversation devint bientôt un projet de voyage, et ce projet une idée fixe.