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comprendre les regrets et la douleur du poète, ne fallait-il pas savoir qu’il s’agissait d’un amour que sa dignité ne lui commandait pas d’arracher de son cœur ? Le récit contenu dans les vers à Lamartine est celui d’une soirée d’agitation pendant laquelle les clameurs grossières du carnaval résonnaient dans Paris. Ceux qui s’étaient mépris sur le sujet de la Nuit de décembre ont commis la même erreur à propos de la Lettre à Lamartine. Alfred de Musset en a souri plus d’une fois, et, quand ses amis lui demandaient des explications, il leur répondait : « Pensez-en ce que vous voudrez. »

Cette réserve était juste et sage ; mais à présent tout a bien changé : un tiers de siècle s’est écoulé. La Lettre à Lamartine est devenue autre chose qu’une pièce de vers d’un jeune poète de grande espérance, insérée dans une Revue pour l’embellissement du dernier numéro. Celui qui a poussé ce cri de douleur a été enlevé par une mort prématurée, et, comme le cri retentit encore, la conscience publique s’en émeut ; elle réclame impérieusement des éclaircissements. On les lui doit.

Il y a des nuances à observer dans les reproches d’un amant à une maîtresse cruelle. Par exemple, qu’on relise tout le passage de la Lettre à Lamartine qui commence ainsi :


Ô mon unique amour ! que vous avais-je fait ?
Vous m’aviez pu quitter, vous qui juriez la veille
Que vous étiez ma vie, et que Dieu le savait !