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vie passée étaient trop sérieux pour être discutés. Alfred trouva dans cette séparation un nouveau sujet de chagrin plus vif qu’il ne l’avait souhaité. Ce n’était pas un dérivatif, selon son expression, mais un surcroît. Tattet n’était pas seulement un charmant compagnon et un ami fidèle ; il avait aussi des qualités précieuses de confident et d’auditeur. Son admiration pour le talent, le caractère et l’esprit de son poète préféré se manifestait avec une chaleur dont tout le monde subissait le charme autour de lui, à plus forte raison celui qui en était l’objet. D’ailleurs, Tattet prenait à cœur les contrariétés, les plaisirs et les peines de son ami comme les siens propres. Chez lui se réunissaient un petit nombre d’hommes aimables, que son départ allait disperser. On se promettait bien de se retrouver à Fontainebleau ; mais il ne fallait plus compter sur les confidences de chaque jour, sur les longs entretiens, les lectures, les échanges continuels d’idées et d’impressions. C’était encore une perte réelle ajoutée à la perte des illusions et des espérances.

Chose singulière : cet homme si abattu, si découragé, si revenu de tout, qui répétait de bonne foi : « Plus ne m’est rien, » ce cœur qui dormait, disait-il, à tout jamais fermé[1], devenait tous les jours plus accessible aux moindres émotions, et, par con-

  1. Voir le sonnet à Alfred Tattet sur son départ de Paris.