Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans son voisinage[1]. Elle venait souvent voir son amie d’enfance et raconter à notre mère les causes lamentables de son procès. Lorsqu’elle s’en allait, à la nuit tombante, quoiqu’elle eût à peine cent pas à faire, un domestique venait la chercher. Deux ou trois fois seulement, Alfred lui offrit le bras pour la reconduire jusqu’à sa porte. On les rencontra, et c’en fut assez pour donner lieu, non à des médisances, mais à des sourires de malice et d’envie. Alfred de Musset ne voulut pas attendre qu’on passât des sourires aux propos. Il écrivit le sonnet : Non, quand bien même une amère souffrance, auquel je renvoie le lecteur. Je ne crois pas que le respect de l’innocence ait jamais inspiré de sentiment plus pur ni de poésie plus parfaite.

Chez sa marraine, Alfred voyait souvent une autre jeune femme presque aussi mal mariée que celle dont nous venons de parler. Son mari venait de mourir fort à propos, et, comme dit Sganarelle, la mort rajuste bien des choses. L’année de deuil étant écoulée, la veuve quittait le noir ; Alfred, assis un soir auprès d’elle, lui dit qu’elle était trop jeune et trop belle pour demeurer veuve ; mais, apparemment, le mariage lui avait laissé de si mauvais souvenirs, qu’à cette pensée elle s’écria : Jamais ! avec tant de force et d’effroi que le poète en fut saisi. Il n’y a pas

  1. Depuis le mois d’octobre 1839, nous demeurions sur le quai Voltaire.