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j’eusse douté de lui ! Je garde ces vers dans mes archives. Un jour peut-être, ils seront publiés, et la terrible soirée du 13 août ne sera pas perdue. »

Je demandai à voir ce sonnet ; mais la marraine en redoutait la lecture ; elle ne voulut pas le chercher et parla d’autre chose. Treize ans plus tard, après la mort de mon frère, elle m’en donna l’autographe. Voici le sonnet :


Qu’un sot me calomnie, il ne m’importe guère.
Que sous le faux semblant d’un intérêt vulgaire,
Ceux même dont hier j’aurais serré la main
Me proclament, ce soir, ivrogne et libertin,

Ils sont moins mes amis que le verre de vin
Qui pendant un quart d’heure étourdit ma misère ;
Mais vous, qui connaissez mon âme tout entière,
À qui je n’ai jamais rien tu, même un chagrin,

Est-ce à vous de me faire une telle injustice,
Et m’avez-vous si vite à ce point oublié ?
Ah ! ce qui n’est qu’un mal, n’en faites pas un vice.

Dans ce verre où je cherche à noyer mon supplice,
Laissez plutôt tomber quelques pleurs de pitié
Qu’à d’anciens souvenirs devrait votre amitié.