Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/31

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Il continua fort longtemps sur ce ton pathétique. Sa mère, touchée par tant de repentir, allait enfin lui ouvrir la porte, lorsque le prisonnier, qui ne croyait pas avoir si bien réussi, interrompit ses lamentations, pour s’écrier avec l’accent du reproche et de la colère : « Va, tu n’es guère attendrissante ! »

Dans ses souvenirs d’enfance, ce mot est resté comme une chose mémorable, et Alfred lui-même prenait souvent plaisir à le citer. Il aimait encore à se rappeler un autre mot non moins puéril, mais où l’on pourrait déjà pressentir, avec un peu de bonne volonté, l’homme d’imagination. Il y avait, dans une des chambres de notre antique maison, une grosse poutre au plafond que le bambin regardait souvent avec une sorte d’effroi. Un jour, sa tante Nanine voulut lui retirer des mains un petit chat nouveau-né qu’il tenait sans précaution par la tête, au grand déplaisir du pauvre animal. Après avoir insisté longtemps pour garder ce petit chat, voyant qu’enfin on allait le lui ôter de force, il le rendit ; mais en s’écriant avec fureur sur le ton de la malédiction de Camille : « Tiens, le voilà ton chat ! il t’égratignera, il déchirera ta robe ; la poutre te tombera sur la tête, et moi, j’irai dîner à Bagneux ! »

À Bagneux, pendant l’été, la grand’tante Denoux réunissait toute la famille, chaque dimanche, dans une belle maison de campagne où les enfants se divertissaient beaucoup. Madame Denoux fut très flattée