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en France, cent contes, qu’elle imaginait pour lui plaire, avec une fécondité charmante. Il ne pouvait plus vivre sans sa cousine Clélie. Dès qu’elle arrivait, il l’emmenait dans un coin, en lui disant : « Et puis voilà que ?… » — C’était le signal de récits qui ne tarissaient plus et dont il ne se lassait jamais. Enfin il demanda sa cousine en mariage, plus sérieusement qu’on ne le pensait, et, comme on n’eut garde de la lui refuser, il exigea d’elle la promesse de l’accompagner devant le curé aussitôt qu’il aurait l’âge ; cela fait, il se crut de bonne foi son mari. Clélie dut partir avec ses parents pour la province. Cette séparation coûta bien des larmes. On s’aperçut que la prédilection de l’enfant avait tous les caractères d’une passion violente : « Ne m’oublie pas, lui disait sa cousine en partant.

— T’oublier ! lui répondit-il, mais tu ne sais donc pas que ton nom est écrit dans mon cœur avec un canif ! »

Pour être bientôt en état de correspondre avec sa femme, il mit une ardeur incroyable aux leçons de lecture et d’écriture.

Quand la jeune cousine prit tout de bon un autre mari d’un âge moins tendre, il fallut en faire un mystère et donner le mot à vingt personnes. Un jour, quelqu’un, oubliant les recommandations, vint à parler de madame Moulin, — c’était le nouveau nom de Clélie. — Le petit garçon s’élance impétueusement au milieu du cercle :