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qu’on voulait. Tout entier à l’impression du moment, surtout dans le tête-à-tête, il se livrait à l’entraînement de la conversation.

Le marquis de Manzo, l’ami et le biographe du Tasse, fait la même remarque dans la précieuse notice qu’il a laissée sur ce grand poète. « Ces êtres doués d’une sensibilité excessive, dit-il, versent involontairement les trésors de leur âme devant la première personne qui s’offre à eux. Animés du désir de plaire, ils confient leurs pensées et leurs sentiments à quiconque les écoute avec attention, et même à des indifférents. »

Lors Byron poussait cet abandon jusqu’à l’imprudence. « La première personne, dit Thomas Moore, avec laquelle le hasard le mettait en rapports, devenait le monde entier pour lui. Il ne tenait qu’à elle d’être le dépositaire de ses secrets. » Et Thomas Moore ajoute que c’est là un signe du caractère poétique qu’on doit retrouver en tous temps et en tous pays chez ces êtres qui ont reçu de la nature le don funeste de poésie.

Cette disposition était naturelle à Alfred de Musset ; mais pour peu que sa défiance fût éveillée, il devenait au contraire l’homme le plus impénétrable du monde. Il redoutait extrêmement les journalistes, les conteurs d’anecdotes, les indiscrets faiseurs d’historiettes, et par-dessus tout les éditeurs, qui vont colporter d’un écrivain chez l’autre ce qu’ils ont entendu dire.