Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/366

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Tel autre l’ennuiera peut-être. Lerminier mettra la conversation sur la politique. On ne pourra parler que discussion de l’adresse ou attitude du ministère. À cette idée la peur le prend. Il change de route, et s’en va dîner seul au Palais-Royal, d’où il envoie une lettre d’excuse par un exprès.

Toute espèce d’engagement l’inquiétait ; mais nul engagement ne lui faisait plus d’horreur que celui d’un travail obligé. Ce qu’il en a dit dans le Poète déchu, il l’a senti avec tant d’amertume que je considère ce moment de sa vie comme une de ses épreuves les plus cruelles et un des plus grands dangers qu’il ait jamais courus. Et cependant, ce poète qui redoutait le moindre lien, se laissait lier sans cesse par entraînement, par faiblesse vis-à-vis de l’insistance, par imprudence, par mauvaise administration de ses affaires. Il a donné beaucoup trop de signatures, et souvent à des gens moins accommodants que le directeur de la Revue. De soi-disant amis lui ont fait passer plus d’une nuit blanche.

Ce sont là des contradictions dont tous les caractères sont pleins. Lorsque Musset consentit à prendre une gouvernante pour mener son ménage de garçon, ce fut en lui disant qu’il ne la garderait pas plus de trois mois ; elle resta chez lui jusqu’à sa mort. À peine installé dans son appartement de la rue du Mont-Thabor, obéré par des achats de meubles, on lui propose une belle copie par Carle Vanloo du Giorgione