Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/49

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nous laissait la bride sur le cou, et nous usions amplement de notre liberté. Le grand plaisir était de se proposer une expédition difficile ; par exemple, de faire le tour complet du jardin sur les murs, de monter dans un arbre jusqu’à une branche désignée d’avance ou d’aller en ligne droite d’un point à un autre, sans tourner les haies et les fossés. Le précepteur, âgé de vingt-cinq ans, acceptait parfois nos défis. Nous ne fûmes jamais si joyeux que le jour où il recula devant une mare d’eau que ses élèves franchirent en s’appuyant sur des perches. Ce précepteur était, du reste, un excellent homme, plein de patience, instruit et sans pédanterie, qui trouvait moyen de nous enseigner quelque chose, même en jouant avec nous. La leçon d’histoire se donnait pendant la promenade. Il savait l’italien ; nous l’apprenions tout en causant. De telle heure à telle autre, il était défendu de parler français, et lorsqu’un mot italien nous manquait, le maître nous passait son dictionnaire de poche. Quant à la géographie, il sut nous en rendre l’étude très agréable, en y mêlant des récits de voyageurs célèbres. Magellan, Vasco de Gama et le capitaine Cook eurent leur tour dans nos fictions. Les deux années que ce digne précepteur nous consacra nous furent bien plus douces et aussi profitables que celles du collège, si ce n’est davantage. Il se nommait Bouvrain.

À côté de la maison se trouvait la ferme des Clignets. Le fermier, M. Piédeleu, avait six pieds de