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une galerie intérieure. Enchantés de cette découverte, nous n’allions plus à la ferme sans traverser la meule de foin par le chemin des chats. Un jour, deux des fils Piédeleu, qui nous guettaient, saisissent le moment où nous étions au centre de la galerie pour boucher les deux orifices avec des bottes de foin. Vouloir lutter contre les colosses eût été peine inutile. Nous ne songeâmes qu’à nous frayer un passage nouveau à côté de l’obstacle qu’on nous opposait. Au bout d’un moment l’air nous manqua ; je sentis que nous allions étouffer. Enfin, je réussis après des efforts inouïs à pratiquer une issue par où je me jetai, les bras en avant, sur le pavé de la cour, en criant aux paysans de sauver mon frère. Fort heureusement, il me suivait, et il arriva par la même route que moi, car ces bons géants ne bougeaient pas et riaient de me voir les yeux hors de la tête et le visage en feu. Lorsque notre précepteur leur dit que si cette plaisanterie eût duré cinq minutes de plus, nous étions asphyxiés, ils demandèrent ce que c’était, et jamais on ne put leur faire comprendre qu’il y eût du danger à être enfermé dans du foin.

Les Piédeleu furent encore pour nous la cause d’une mésaventure. Il y avait à la ferme un grand colombier ; les pigeons s’abattaient dans le jardin et sur la terrasse de la maison. Un de ces oiseaux, moins farouche que les autres, nous honora de son amitié. Nous lui présentions des graines qu’il venait