Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/57

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ramène à terre. Le chemin qu’elle suit n’est donc pas un cercle, mais une ligne qui paraît courbe au milieu et droite aux deux bouts. »

Et il prit la plume pour tracer des paraboles sur le papier. Le fils du colonel, nourri dans l’artillerie, soutint son dire, par amour-propre et par obstination. Un officier qu’on prit pour arbitre, regarda d’un air étonné cet enfant qui venait de résoudre un problème de statique. Il ne manqua pas de prédire à la mère de ce petit phénomène que son fils serait quelque jour un grand mathématicien. Il se trompait : Alfred n’avait point de dispositions pour les sciences exactes, mais il avait le coup d’œil sûr et savait se rendre compte de ce qu’il voyait.

On nous avait promis de nous faire voir la mer. Notre hôte nous conduisit en voiture jusqu’à Dinan, où nous nous embarquâmes, avec d’autres passagers, sur une rivière qui a son embouchure dans la baie de Saint-Servan. Un orage violent éclata justement à la tombée de la nuit, quand nous venions d’entrer en pleine mer. Un coup de vent brisa le mât de la barque et enleva dans les airs le shako d’un soldat. Les passagers poussaient des cris lamentables et le patron perdait la tête. Heureusement un gros bateau pêcheur, qui rentrait au port, nous remorqua jusqu’à Saint-Malo, où nous arrivâmes mouillés et transis, mais enchantés d’avoir fait connaissance avec l’Océan par une manière de petit naufrage.