Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/66

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rivée eussent été annoncés à notre vieille tante la chanoinesse de Musset, elle feignit de n’avoir point compté sur nous. Sa petite maison, située dans le faubourg de Saint-Bienheuré, avec un jardinet clos par un bras de rivière, ressemblait à ces intérieurs froids et silencieux que Balzac aimait à décrire. Il y régnait une odeur de vétusté sordide, et les contrevents toujours fermés préservaient des ardeurs du soleil le salpêtre et la moisissure. Trois chiens, dont un affreux carlin, répondirent à notre coup de sonnette par des aboiements que rien ne put calmer. La maîtresse du logis nous reçut avec aigreur. Le déjeuner, qui se fit longtemps attendre, était si exigu que la bonne dame en eut honte ; elle y voulut ajouter une grappe de raisin cueillie sur la treille et qui se trouva du verjus. Pendant ce léger repas, elle nous donna clairement à entendre qu’elle se serait bien passée de notre visite. À plusieurs reprises, le frère et la sœur devinrent rouges de colère ; ils échangèrent quelques lardons et se séparèrent froidement. En 1830, lorsque le bruit causé par la publication des Contes d’Espagne eut pénétré dans son humide réduit, la chanoinesse se soulagea par une lettre de reproches. Elle avait toujours blâmé son frère d’aimer trop la littérature ; mais c’était le comble de l’humiliation que d’avoir pour neveu un poète ! Elle renia et déshérita les mâles de sa famille pour cause de dérogation.

Quelques jours de liberté sous les vieux arbres de