Aller au contenu

Page:Musset - Gamiani ou Deux nuits d'excès.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 96 —

vait-elle espérer de rencontrer jamais cette flèche animée, si rouge, si rapide, qui l’avait si fort émerveillée et qu’elle supposait devoir exister pareillement pour la femme. À force de se tourmenter l’esprit, ma nymphomane se remémora que le singe est de tous les animaux celui qui ressemble le plus à l’homme. Son père avait précisément un superbe orang-outang. Elle fut le voir, l’étudier, et, comme elle restait longtemps à l’examiner, l’animal échauffé sans doute par la présence d’une jeune fille, se développa tout à coup de la façon la plus brillante. Sainte se mit à bondir de joie. Elle trouvait enfin ce qu’elle cherchait tous les jours, ce qu’elle rêvait chaque nuit. Son idéal lui apparaissait réel et bien palpable. Pour comble d’enchantement, l’indicible joyau s’élançait plus ferme, plus ardent, plus menaçant qu’elle ne l’eût jamais ambitionné. Ses yeux le dévoraient. Le singe s’approcha, se pendit aux barreaux et s’agita si bien, que la pauvre Sainte en perdit la tête. Poussée par sa folie, elle force un des barreaux de sa cage