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Page:Musset - Gamiani ou Deux nuits d'excès.djvu/116

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sir Edward, enthousiaste et rêveur comme un Oswald, conçut pour moi une passion violente, j’étais lasse de plaisirs immondes. Jusque-là mon corps seul s’était agité, avait vécu ; mon âme sommeillait encore. Elle s’éveilla doucement aux accents purs, enchanteurs, d’un amour noble et élevé. Dès lors, je compris une existence nouvelle ; j’éprouvai ces désirs vagues, ineffables, qui donnent le bonheur et poétisent la vie… Les corps combustibles ne brûlent pas d’eux-mêmes ; qu’une étincelle approche et tout part ! Ainsi prit feu mon cœur aux transports de celui qui m’aimait. À ce langage, nouveau pour moi, je sentis un frémissement délicieux, je prêtai une oreille attentive ; mes avides regards ne laissaient rien échapper. La flamme humide qui sortait des yeux de mon amant pénétrait dans les miens jusqu’au fond de mon âme et y portait le trouble, le délire et la joie. La voix d’Edward avait un accent qui m’agitait, le sentiment me semblait peint dans chacun de ses gestes ; tous ses traits, animés par la passion, me la faisaient