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Page:Musset - Gamiani ou Deux nuits d'excès.djvu/76

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me vit : ce n’était plus son lit, ce n’était plus sa chambre. Oh ! sa douleur faisait mal. Ses pleurs l’étouffaient. Je la contemplais, ému, honteux de moi-même. Je la tenais serrée dans mes bras. Chacune de ses larmes, je la buvais avec ivresse.

Les sens ne parlaient plus, mon âme seule s’épanchait toute entière, mon amour se peignait vif, brûlant dans mon langage et dans mes yeux.

Fanny m’écoutait, muette, étonnée, ravie ; elle respirait mon souffle, mon regard, me pressait par moments et semblait me dire : Oui ! oui, encore à toi, toute à toi. Comme elle avait livré son corps, crédule, innocente, elle livrait aussi son âme, confiante, enivrée. Je crus, dans un baiser, la prendre sur ses lèvres, je lui donnai toute la mienne. Ce fut le ciel et ce fut tout.

Nous nous levâmes enfin.

Je voulus voir encore la comtesse. Elle était ignoblement renversée, la figure défaite, le corps sale, taché. Comme une femme ivre,