Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/120

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un mot, et quelques instants après je la vis couchée, appuyée sur son coude, toujours dans la posture nonchalante qui lui était habituelle.

J’étais debout et je la regardais. Chose étrange ! plus je l’admirais, plus je la trouvais belle, plus je sentais s’évanouir les désirs qu’elle m’inspirait. Je ne sais si ce fut un effet magnétique ; son silence et son immobilité me gagnaient. Je fis comme elle, je m’étendis sur le sofa en face de l’alcôve, et le froid de la mort me descendit dans l’âme.

Les battements du sang dans les artères sont une étrange horloge qu’on ne sent vibrer que la nuit. L’homme, abandonné alors par les objets extérieurs, retombe sur lui-même ; il s’entend vivre. Malgré la fatigue et la tristesse, je ne pouvais fermer les yeux ; ceux de Marco étaient fixés sur moi ; nous nous regardions en silence, et lentement, si l’on peut ainsi parler.

« Que faites-vous là ? dit-elle enfin ; ne venez-vous pas près de moi ?

— Si fait, lui répondis-je ; vous êtes bien belle ! »

Un faible soupir se fit entendre, semblable à une plainte ; une des cordes de la harpe de Marco venait de se détendre. Je tournai la tête à ce bruit, et je vis que la pâle teinte des premiers rayons de l’aurore colorait les croisées.

Je me levai et ouvris les rideaux ; une vive lumière pénétra dans la chambre. Je m’approchai d’une fenêtre et m’y arrêtai quelques instants ; le ciel était pur, le soleil sans nuages.

« Viendrez-vous donc ? » répéta Marco.

Je lui fis signe d’attendre encore. Quelques raisons de prudence lui avaient fait choisir un quartier éloigné du