Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/156

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de sueur. Une fièvre violente faisait trembler tous mes membres ; je n’eus que la force de me traîner à mon lit avec l’aide de Larive. Toutes mes pensées étaient si confuses que j’avais à peine le souvenir de ce qui s’était passé. La journée s’écoula ; vers le soir j’entendis un bruit d’instruments. C’était le bal du dimanche, et je dis à Larive d’y aller, et de voir si madame Pierson y était. Il ne l’y trouva point ; je l’envoyai chez elle. Les fenêtres étaient fermées ; la servante lui dit que sa maîtresse était partie avec sa tante ; et qu’elles devaient passer quelques jours chez un parent qui demeurait à N***, petite ville assez éloignée. En même temps il m’apporta une lettre qu’on lui avait remise. Elle était conçue en ces termes : « Il y a trois mois que je vous vois et un mois que je me suis aperçue que vous preniez pour moi ce qu’à votre âge on appelle de l’amour. J’avais cru remarquer en vous la résolution de me le cacher et de vous vaincre. J’avais de l’estime pour vous ; cela m’en a donné davantage. Je n’ai aucun reproche à vous faire sur ce qui s’est passé, ni de ce que la volonté vous a manqué. « Ce que vous croyez de l’amour n’est que du désir. Je sais que bien des femmes cherchent à l’inspirer ; il pourrait y avoir un orgueil mieux placé en elles, de faire en sorte qu’elles n’en aient pas besoin pour plaire à ceux qui les approchent. Mais cette vanité même est dangereuse, puisque j’ai eu tort de l’avoir avec vous. « Je suis plus vieille que vous de quelques années, et je vous demande de ne plus me revoir. Ce serait en vain que vous tenteriez d’oublier un moment de faiblesse ; ce qui s’est passé entre nous ne peut ni être une seconde fois, ni s’oublier tout à fait. «