Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/158

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Tandis que la servante faisait ma commission, j’étais resté dans une petite cour assez sombre ; comme il pleuvait, j’avançai jusqu’à un péristyle au bas de l’escalier, qui n’était pas éclairé. Madame Pierson arriva bientôt, précédant la servante ; elle descendit vite, et ne me vit pas dans l’obscurité ; je fis un pas vers elle et lui touchai le bras. Elle se rejeta en arrière avec terreur, et s’écria : « Que me voulez-vous ? » Le son de sa voix était si tremblant, et, lorsque la servante parut avec sa lumière, je la vis si pâle que je ne sus que penser. Était-il possible que ma présence inattendue l’eût troublée à ce point ? Cette réflexion me traversa l’esprit ; mais je me dis que ce n’était sans doute qu’un mouvement de frayeur naturel à une femme qui se sent tout à coup saisie. Cependant, d’une voix plus calme, elle répéta sa question. « Il faut, lui dis-je, que vous m’accordiez de vous voir encore une fois. Je partirai, je quitte le pays ; vous serez obéie, je vous le jure, et au-delà de vos souhaits ; car je vendrai la maison de mon père, aussi bien que le reste, et passerai à l’étranger. Mais ce n’est qu’à cette condition que je vous verrai encore une fois ; sinon, je reste ; ne craignez rien de moi, mais j’y suis résolu. » Elle fronça le sourcil et jeta de côté et d’autre un regard étrange ; puis elle me répondit d’un air presque gracieux : « Venez demain dans la journée ; je vous recevrai. » Elle partit là-dessus. Le lendemain j’y allai à midi. On m’introduisit dans une chambre à vieilles tapisseries et à meubles antiques. Je la trouvai seule, assise sur un sofa. Je m’assis en face d’elle. « Madame, lui dis-je, je ne viens ni vous parler de ce