Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/205

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de bois blanc qu’elle regardait de temps en temps avec une sorte de tremblement nerveux. Je ne sais ce qu’il y avait de sinistre dans l’apparence de tranquillité qui régnait dans la chambre. Son secrétaire était ouvert, et plusieurs liasses de papier y étaient rangées, comme venant d’y être mises en ordre.

Je fis quelque bruit en poussant la porte. Elle se leva, alla au secrétaire, qu’elle ferma, puis vint à moi avec un sourire. « Octave, me dit-elle, nous sommes deux enfants, mon ami. Notre querelle n’a pas le sens commun, et si tu n’étais revenu ce soir, j’aurais été chez toi cette nuit. Pardonne-moi, c’est moi qui ai tort. Madame Daniel vient dîner demain ; fais-moi repentir, si tu veux, de ce que tu appelles mon despotisme. Pourvu que tu m’aimes, je suis heureuse ; oublions ce qui s’est passé, et ne gâtons pas notre bonheur. »

CHAPITRE III

Notre querelle avait été, pour ainsi dire, moins triste que notre réconciliation ; elle fut accompagnée, de la part de Brigitte, d’un mystère qui m’effraya d’abord, puis qui me laissa dans l’âme une inquiétude perpétuelle.

Plus j’allais, plus se développaient en moi, malgré tous mes efforts, les deux éléments de malheur que le passé m’avait légués : tantôt une jalousie furieuse, pleine de reproches et d’injures, tantôt une gaîté cruelle, une légèreté affectée qui outrageait en plaisantant ce que j’avais de plus cher. Ainsi me poursuivaient sans relâche