Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/225

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Alors un délire inouï, une fièvre de bonheur s’emparait de moi ; je me montrais navré de joie, je perdais presque la raison par la violence de mes transports ; je ne savais que dire, que faire, qu’imaginer pour réparer le mal que j’avais fait. Je prenais Brigitte dans mes bras, et je lui faisais répéter cent fois, mille fois, qu’elle m’aimait et qu’elle me pardonnait. Je parlais d’expier mes torts et de me brûler la cervelle si je recommençais à la maltraiter. Ces élans du cœur duraient des nuits entières, pendant lesquelles je ne cessais de parler, de pleurer, de me rouler aux pieds de Brigitte, de m’enivrer d’un amour sans bornes, énervant, insensé. Puis le matin venait, le jour paraissait ; je tombais sans force, je m’endormais ; et je me réveillais le sourire sur les lèvres, me moquant de tout et ne croyant à rien.

Durant ces nuits de volupté terrible, Brigitte ne paraissait pas se souvenir qu’il y eût en moi un autre homme que celui qu’elle avait devant les yeux. Lorsque je lui demandais pardon, elle haussait les épaules, comme pour me dire : « Ne sais-tu pas que je te pardonne ? » Elle se sentait gagnée de ma fièvre. Que de fois je l’ai vue, pâle de plaisir et d’amour, me dire qu’elle me voulait ainsi, que c’était sa vie que ces orages ; que les souffrances qu’elle endurait lui étaient chères ainsi payées, qu’elle ne se plaindrait jamais tant qu’il resterait dans mon cœur une étincelle de notre amour ; qu’elle savait qu’elle en mourrait, mais qu’elle espérait que j’en mourrais moi-même ; enfin que tout lui était bon, lui était doux, venant de moi, les insultes comme les larmes, et que ces délices étaient son tombeau.

Cependant les jours s’écoulaient, et mon mal empirait