Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/264

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Ce qui se passait dans ma tête était pourtant peut-être aussi subtil, aussi ténu que le plus fin sophisme ; c’était une sorte de dialogue entre l’esprit et la conscience. « Si je perdais Brigitte ? disait l’esprit. — Elle part avec toi, disait la conscience. — Si elle me trompait ? — Comment te tromperait-elle, elle qui avait fait son testament où elle disait de prier pour toi ! — Si Smith l’aimait ? — Fou, que t’importe, puisque tu sais que c’est toi qu’elle aime ? — Si elle m’aime, pourquoi est-elle triste ? — C’est son secret, respecte-le. — Si je l’emmène, sera-t-elle heureuse ? — Aime-la, elle le sera. — Pourquoi, quand cet homme la regarde, semble-t-elle craindre de rencontrer ses yeux ? — Parce qu’elle est femme, et qu’il est jeune. — Pourquoi, quand elle le regarde, cet homme pâlit-il tout à coup ? — Parce qu’il est homme, et qu’elle est belle. — Pourquoi, quand je l’ai été voir, s’est-il jeté en pleurant dans mes bras ? pourquoi un jour s’est-il frappé le front ? — Ne demande pas ce qu’il faut que tu ignores. — Pourquoi faut-il que j’ignore ces choses ? — Parce que tu es misérable et fragile, et que tout mystère est à Dieu. — Mais pourquoi est-ce que je souffre ? pourquoi ne puis-je songer à cela sans que mon âme s’épouvante ? — Songe à ton père, et à faire le bien. — Mais pourquoi ne le puis-je pas ? pourquoi le mal m’attire-t-il à lui ? — Mets-toi à genoux, confesse-toi ; si tu crois au mal, tu l’as fait. — Si je l’ai fait, était-ce ma faute ? pourquoi le bien m’a-t-il trahi ? — De ce que tu es dans les ténèbres, est-ce une raison pour nier la lumière ? s’il y a des traîtres, pourquoi es-tu l’un d’eux ? — Parce que j’ai peur d’être dupe. — Pourquoi passes-tu tes nuits à veiller ? Les nouveau-nés dorment à cette heure. Pourquoi es-tu seul