Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/281

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cœur se révolteraient. N’aurais-je pas en moi la conscience de ce que je suis ? il faudrait pourtant aller sur le pré, il faudrait que je me misse vis-à-vis du premier venu, il faudrait jouer ma vie contre la sienne ; pourquoi ? pour prouver que je ne suis pas un lâche ; sans quoi le monde le croirait. Cette seule parole demande cette réponse, toutes les fois qu’on l’a prononcée, et n’importe qui.

— C’est vrai ; où voulez-vous en venir ?

— Les femmes ne se battent pas ; mais, telle que la société est faite, il n’y a pourtant aucun être, de tel sexe qu’il soit, qui ne doive, à certains moments de sa vie, fût-elle réglée comme une horloge, solide comme le fer, voir tout mis en question. Réfléchissez ; qui voyez-vous échapper à cette loi ? quelques personnes peut-être ; mais voyez ce qui en arrive : si c’est un homme, le déshonneur ; si c’est une femme, quoi ? l’oubli. Tout être qui vit de la vie véritable, doit par cela même faire preuve qu’il vit. Il y a donc pour une femme comme pour un homme telle occasion où elle est attaquée. Si elle est brave, elle se lève, fait acte de présence, et se rassoit. Un coup d’épée ne prouve rien pour elle. Non seulement il faut qu’elle se défende, mais qu’elle forge elle-même ses armes. On la soupçonne ; qui ? un indifférent ? elle peut et doit le mépriser. Est-ce son amant ? l’aime-t-elle, cet amant ? si elle l’aime, c’est là sa vie ; elle ne peut pas le mépriser.

— Sa seule réponse est le silence.

— Vous vous trompez : l’amant qui la soupçonne, offense par là sa vie entière, je le sais ; ce qui répond pour elle, n’est-ce pas ? ce sont ses larmes, sa conduite passée, son dévouement et sa patience. Qu’arrivera-t-il si elle se tait ? que son amant la perdra par sa faute, et que le temps la justifiera. N’est-ce pas là votre pensée ?