Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/283

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une dernière fois à genoux et de vous supplier encore de partir. »

Elle s’inclina en disant ces mots. Je me levai.

« Bien insensé, dis-je avec amertume, bien insensé qui, une fois dans sa vie, veut obtenir la vérité d’une femme ! il n’obtiendra que le mépris, et il le mérite en effet. La vérité ! celui-là la sait qui corrompt des femmes de chambre et qui se glisse à leur chevet à l’heure où elles parlent en rêve. Celui-là la sait qui se fait femme lui-même, et que sa bassesse initie à tout ce qui s’agite dans l’ombre ! Mais l’homme qui la demande franchement, celui qui ouvre une main loyale pour obtenir cette affreuse aumône, ce n’est pas lui qui l’aura jamais. On se tient en garde avec lui ; pour toute réponse on hausse les épaules ; et si la patience lui échappe, on se lève dans sa vertu comme une vestale outragée, et on laisse tomber de ses lèvres le grand oracle féminin, que le soupçon détruit l’amour, et qu’on ne saurait pardonner ce à quoi l’on ne peut répondre. Ah ! juste Dieu, quelle fatigue ! quand donc finira tout cela ?

— Quand vous voudrez, dit-elle d’un ton glacé ; j’en suis aussi lasse que vous.

— À l’instant même ; je vous quitte pour jamais, et que le temps vous justifie donc. Le temps ! le temps ! ô froide amante ! souvenez-vous de cet adieu. Le temps ! et ta beauté, et ton amour, et le bonheur, où seront-ils allés ? Est-ce donc sans regret que tu me perds ainsi ? Ah ! sans doute, le jour où l’amant jaloux saura qu’il a été injuste, le jour où il verra les preuves, il comprendra quel cœur il a blessé, n’est-il pas vrai ? il pleurera sa honte ; il n’aura plus ni joie ni sommeil, il ne vivra que pour se souvenir qu’il eût pu vivre autrefois heureux. Mais, ce jour-là, sa maîtresse orgueilleuse pâlira