Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/286

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je devais vous quitter, et que vous ne m’avez pas fait une caresse que je ne sentisse que j’aimais mieux mourir ; que jour par jour, minute par minute, toujours entre la crainte et l’espoir, j’ai mille fois tenté de vaincre ou mon amour ou ma douleur ; que, dès que j’ouvrais mon cœur près de vous, vous jetiez un coup d’œil moqueur jusques au fond de mes entrailles, et que dès que je le fermais, il me semblait y sentir un trésor que vous seul pouviez dépenser ? Vous raconterai-je ces faiblesses, et tous ces mystères qui semblent puérils à ceux qui ne les respectent pas ? que, lorsque vous me quittiez avec colère, je m’enfermais pour relire vos premières lettres ; qu’il y a une valse chérie que je n’ai jamais jouée en vain lorsque j’éprouvais trop vivement l’impatience de vous voir venir ? Ah ! malheureuse, que toutes ces larmes ignorées, que toutes ces folies si douces aux faibles te coûteront cher ! Pleure, maintenant ; ce supplice même, cette douleur n’a servi de rien. »

Je voulus l’interrompre. « Laissez-moi, laissez-moi, dit-elle ; il faut qu’un jour je vous parle aussi. Voyons ; pourquoi doutez-vous de moi ? Depuis six mois, de pensée, de corps et d’âme, je n’ai appartenu qu’à vous. De quoi osez-vous me soupçonner ? Voulez-vous partir pour la Suisse ? je suis prête, vous le voyez. Est-ce un rival que vous croyez avoir ? envoyez-lui une lettre que je signerai et que vous mettrez à la poste. Que faisons-nous ? où allons-nous ? prenons un parti. Ne sommes-nous pas toujours ensemble ? Eh bien ! pourquoi me quittes-tu ? je ne peux pas être à la fois près et loin de toi. Il faudrait, dis-tu, pouvoir se fier à sa maîtresse ; c’est vrai. Ou l’amour est un bien, ou c’est un mal ; si c’est un bien, il faut croire en lui ; si c’est un mal, il faut