des larmes sans amertume ; c’est ainsi que je veux quelquefois me souvenir d’avoir été vivant. »
La femme, à ces dernières paroles, se jeta sur un fauteuil et sanglota. Le jeune homme fondait en larmes ; mais il resta immobile et comme ne voulant pas lui-même s’apercevoir de sa douleur. Lorsque les larmes eurent cessé, il s’approcha de son amie, lui prit la main et la baisa.
« Croyez-moi, dit-il ; être aimé de vous, quel que soit le nom que porte la place qu’on occupe dans votre cœur, cela donne de la force et du courage. N’en doutez jamais, ma Brigitte, nul ne vous comprendra mieux que moi ; un autre vous aimera plus dignement, nul ne vous aimera plus profondément. Un autre ménagera en vous des qualités que j’offense ; il vous entourera de son amour ; vous aurez un meilleur amant, vous n’aurez pas un meilleur frère. Donnez-moi la main et laissez rire le monde d’un mot sublime qu’il ne comprend pas : “Restons amis, et adieu pour jamais”. Quand nous nous sommes serrés pour la première fois dans les bras l’un de l’autre, il y avait déjà longtemps que quelque chose de nous savait que nous allions nous unir. Que cette part de nous-mêmes, qui s’est embrassée devant Dieu, ne sache pas que nous nous quittons sur terre ; qu’une misérable querelle d’une heure ne délie pas notre éternel baiser ! »
Il tenait la main de la femme ; elle se leva, baignée encore de larmes, et, s’avançant devant la glace avec un sourire étrange, elle tira ses ciseaux et coupa sur sa tête une longue tresse de cheveux ; puis elle se regarda un instant, ainsi défigurée et privée d’une partie de sa plus belle parure, et la donna à son amant.
L’horloge sonna de nouveau, il fut temps de descendre ;