Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/53

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conserver son ouvrage, a donc établi cette loi, que la plus grande jouissance de tous les êtres vivants fût l’acte de la génération. Le palmier, envoyant à sa femelle sa poussière féconde, frémit d’amour dans les vents embrasés ; le cerf en rut éventre sa biche qui lui résiste ; la colombe palpite sous les ailes du mâle comme une sensitive amoureuse ; et l’homme, tenant dans ses bras sa compagne, au sein de la toute-puissante nature, sent bondir dans son cœur l’étincelle divine qui l’a créé.

« Ô mon ami ! lorsque vous serrez dans vos bras nus une belle et robuste femme, si la volupté vous arrache des larmes, si vous sentez sangloter sur vos lèvres des serments d’amour éternel, si l’infini vous descend dans le cœur, ne craignez pas de vous livrer, fussiez-vous avec une courtisane.

« Mais ne confondez pas le vin avec l’ivresse ; ne croyez pas la coupe divine où vous buvez le breuvage divin ; ne vous étonnez pas le soir de la trouver vide et brisée. C’est une femme, c’est un vase fragile, fait de terre, par un potier.

« Remerciez Dieu de vous montrer le ciel, et parce que vous battez de l’aile ne vous croyez pas un oiseau. Les oiseaux eux-mêmes ne peuvent franchir les nuages ; il y a une sphère où ils manquent d’air, et l’alouette qui s’élève en chantant dans les brouillards du matin, retombe quelquefois morte sur le sillon.

« Prenez de l’amour ce qu’un homme sobre prend de vin ; ne devenez pas un ivrogne. Si votre maîtresse est sincère et fidèle, aimez-la pour cela ; mais si elle ne l’est pas, et qu’elle soit jeune et belle, aimez-la parce qu’elle est jeune et belle ; et si elle est agréable et spirituelle, aimez-la encore ; et si elle n’est rien de tout cela,