Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/66

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cri plaintif ; je la suivis du regard malgré moi ; tandis qu’elle disparaissait comme une flèche à perte de vue, une fillette passa en chantant.

CHAPITRE VIII

Je ne voulais pourtant pas céder. Avant d’en venir à prendre réellement la vie par son côté plaisant, qui m’en paraissait le côté sinistre, j’étais résolu à tout essayer. Je restai ainsi fort longtemps, en proie à des chagrins sans nombre et tourmenté de rêves terribles.

La grande raison qui m’empêchait de guérir, c’était ma jeunesse. Dans quelque lieu que je fusse, quelque occupation que je m’imposasse, je ne pouvais penser qu’aux femmes ; la vue d’une femme me faisait trembler. Que de fois je me suis relevé, la nuit, baigné de sueur, pour coller ma bouche sur mes murailles, me sentant prêt à suffoquer !

Il m’était arrivé un des plus grands bonheurs, et peut-être des plus rares, celui de donner à l’amour ma virginité. Mais il en résultait que toute idée de plaisir des sens s’unissait en moi à une idée d’amour ; c’était là ce qui me perdait. Car ne pouvant m’empêcher de penser continuellement aux femmes, je ne pouvais faire autre chose en même temps que repasser jour et nuit dans ma tête toutes ces idées de débauche, de faux amour et de trahisons féminines, dont j’étais plein. Posséder une femme, pour moi, c’était aimer ; or, je ne songeais qu’aux femmes, et je ne croyais plus à la possibilité d’un véritable amour.