Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/91

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quitte pas d’ici là. Nous ne nous séparerons pas ; nous allons passer la journée ensemble ; vous aurez des fleurets, des cartes, des dés, du punch, ce que vous voudrez ; mais vous ne vous en irez pas. Êtes-vous à moi ? moi à vous ; tope ! J’ai voulu faire de mon cœur le mausolée de mon amour ; mais je jetterai mon amour dans une autre tombe, ô Dieu de justice ! quand je devrais la creuser dans mon cœur. »

À ces mots, je me rassis, tandis qu’ils entraient dans le cabinet, et je sentis combien l’indignation qui se soulage peut nous donner de joie. Quant à celui qui s’étonnera qu’à partir de ce jour j’aie changé complètement ma vie, il ne connaît pas le cœur de l’homme, et il ne sait pas qu’on peut hésiter vingt ans à faire un pas, mais non reculer quand on l’a fait.


CHAPITRE II


L’apprentissage de la débauche ressemble à un vertige ; on y ressent d’abord je ne sais quelle terreur mêlée de volupté, comme sur une tour élevée. Tandis que le libertinage honteux et secret avilit l’homme le plus noble, dans le désordre franc et hardi, dans ce qu’on peut nommer la débauche en plein air, il y a quelque grandeur, même pour le plus dépravé. Celui qui, à la nuit tombée, s’en va, le manteau sur le nez, salir incognito sa vie et secouer clandestinement l’hypocrisie de la journée, ressemble à un Italien qui frappe son ennemi par-derrière, n’osant le provoquer en duel. Il y a de l’assassinat dans le coin des bornes et dans l’attente de