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CHAPITRE III

Desgenais avait organisé à sa maison de campagne une réunion de jeunes gens. Les meilleurs vins, une table splendide, le jeu, la danse, les courses à cheval, rien n’y manquait. Desgenais était riche et d’une grande magnificence. Il avait une hospitalité antique avec des mœurs de ce temps-ci. D’ailleurs on trouvait chez lui les meilleurs livres ; sa conversation était celle d’un homme instruit et élevé. C’était un problème que cet homme.

J’avais apporté chez lui une humeur taciturne que rien ne pouvait surmonter ; il la respecta scrupuleusement. Je ne répondais pas à ses questions, il ne m’en fit plus ; l’important pour lui était que j’eusse oublié ma maîtresse. Cependant j’allais à la chasse ; je me montrais à table aussi bon convive que les autres ; il ne m’en demandait pas davantage.

Il ne manque pas dans le monde de gens pareils, qui prennent à cœur de vous rendre service et qui vous jetteraient sans remords le plus lourd pavé pour écraser la mouche qui vous pique. Ils ne s’inquiètent que de vous empêcher de mal faire, c’est-à-dire qu’ils n’ont point de repos qu’ils ne vous aient rendu semblable à eux. Arrivés à ce but, n’importe par quel moyen, ils se frottent les mains, et l’idée ne leur viendrait pas que vous puissiez être tombé de mal en pis ; tout cela de bonne amitié.

C’est un des grands malheurs de la jeunesse sans expérience que de se figurer le monde d’après les premiers objets qui la frappent ; mais il y a aussi, il faut l’