Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. I, 1836.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pousser, l’Océan l’attire ; il tourne sur lui-même et disparaît. Si tu as un corps, prends garde à la souffrance ; si tu as une âme, prends garde au désespoir. Ô malheureux ! prends garde aux hommes ; tant que tu marcheras sur la route où tu es, il te semblera voir une plaine immense où se déploie en guirlande fleurie une farandole de danseurs qui se tiennent comme les anneaux d’une chaîne ; mais ce n’est là qu’un mirage léger ; ceux qui regardent à leurs pieds savent qu’ils voltigent sur un fil de soie tendu sur un abîme, et que l’abîme engloutit bien des chutes silencieuses sans une ride à sa surface. Que le pied ne te manque pas ! La nature elle-même sent reculer autour de toi ses entrailles divines ; les arbres et les roseaux ne te reconnaissent plus ; tu as faussé les lois de ta mère, tu n’es plus le frère des nourrissons, et les oiseaux des champs se taisent en te voyant. Tu es seul ! Prends garde à Dieu !