Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. I, 1836.djvu/45

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plus ni espoir ni attente, pas deux petits morceaux de bois noir en croix devant lesquels tendre les mains. Le fleuve de la vie charrie de grands glaçons sur lesquels flottent les ours du pôle. L’astre de l’avenir se lève à peine ; il ne peut sortir de l’horizon ; il y reste enveloppé de nuages, et comme le soleil en hiver, son disque y apparaît d’un rouge de sang, qu’il a gardé de quatre-vingt-treize. Il n’y a plus d’amour, il n’y a plus de gloire. Quelle épaisse nuit sur la terre ! Et nous serons morts quand il fera jour.

Voici donc ce que disait le corps :

L’homme est ici-bas pour se servir de ses sens ; il a plus ou moins de morceaux d’un métal jaune ou blanc, avec quoi il a droit à plus ou moins d’estime. Manger, boire et dormir, c’est vivre. Quant aux liens qui existent entre les hommes, l’amitié consiste à prêter de l’argent ; mais il est rare d’avoir un ami qu’on puisse aimer assez pour cela. La