Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. I, 1836.djvu/83

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de goût pour aucun, je laissai flotter mes pensées. Il me sembla tout à coup que je sentais la terre se mouvoir, et que la force sourde et invisible qui l’entraîne dans l’espace se rendait saisissable à mes sens ; je la voyais monter dans le ciel ; il me semblait que j’étais comme sur un navire ; le peuplier que j’avais devant les yeux me paraissait comme un mât de vaisseau ; je me levai en étendant les bras, et m’écriai : « C’est bien assez peu de chose d’être un passager d’un jour sur ce navire flottant dans l’éther ; c’est bien assez peu d’être un homme, un point noir sur ce navire ; je serai un homme, mais non une espèce d’homme particulière. » Je jetai mes vêtements comme par un mouvement involontaire, et ainsi nu je me prosternai, en répétant : « Je serai un homme ! »

Tel était le premier vœu qu’à l’âge de quatorze ans j’avais prononcé en face de la nature ; et depuis ce temps je n’avais rien essayé