Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. I, 1836.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Depuis ma dernière lettre, je n’en entendais plus parler. « Enfin, que fait-elle ? me disais-je. Elle en aime un autre ? Aimons-en donc une autre aussi. Qui aimer ? » Et, tout en cherchant, j’entendais comme une voix lointaine qui me criait : « Toi, une autre que moi ! Deux êtres qui s’aiment, qui s’embrassent, et qui ne sont pas toi et moi ! Est-ce que c’est possible ? Est-ce que tu es fou ? »

– Lâche ! me disait Desgenais, quand oublierez-vous cette femme ? Est-ce donc une si grande perte ? Le beau plaisir d’être aimé d’elle ! Prenez la première venue.

– Non, lui répondais-je ; ce n’est pas une si grande perte. N’ai-je pas fait ce que je devais ? Ne l’ai-je pas chassée d’ici ? Qu’avez-vous donc à dire ? Le reste me regarde ; les taureaux blessés dans le cirque ont la permission d’aller se coucher dans un coin avec l’épée du matador dans l’épaule, et de finir en paix. Qu’est-ce que j’irai faire, dites-moi, là ou là ?