Aller au contenu

Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au bien d’un autre, et cela depuis son enfance, depuis qu’il avait des bras ! Et moi, de ce temps précieux, rapide, inexorable, de ce temps buveur de sueurs, qu’en avais-je fait ? étais-je un homme ? Lequel de nous avait vécu ?

Ce que je dis là en une page, il nous fallut un regard pour le sentir. Nos yeux venaient de se rencontrer et ne se quittaient pas. Il me parla de mon voyage et du pays que nous allions visiter.

« Quand partez-vous ? me demanda-t-il.

— Je ne sais ; madame Pierson est souffrante et garde le lit depuis trois jours.

— Depuis trois jours ! répéta-t-il avec un mouvement involontaire.

— Oui ; qu’y a-t-il qui vous étonne ? »

Il se leva et se jeta sur moi, les bras étendus et les yeux fixes. Un frisson terrible le fit tressaillir.

« Souffrez-vous ? » lui dis-je en lui prenant