Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/28

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et les vallées ; elle ouvrait le piano quand nous étions seuls ; le son de sa voix n’éveillait plus dans mon cœur ces élans de jeunesse, ces transports de joie qui sont comme des sanglots pleins d’espérance. Quand je sortais, elle me tendait toujours sa main, mais je la sentais inanimée ; il y avait beaucoup d’efforts dans notre aisance, beaucoup de réflexions dans nos moindres propos, beaucoup de tristesse au fond de tout cela.

Nous sentions bien qu’il y avait un tiers entre nous ; c’était l’amour que j’avais pour elle. Rien ne le trahissait dans mes actions, mais il parut bientôt sur mon visage ; je perdais ma gaîté, ma force, et l’apparence de santé que j’avais sur les joues. Un mois ne s’était pas encore écoulé que je ne ressemblais plus à moi-même.

Cependant, dans nos entretiens, j’insistais toujours sur mon dégoût du monde, sur l’aversion que j’éprouvais d’y rentrer jamais.