Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/30

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Elle voyait ce que je souffrais, et ne pouvait s’empêcher de me plaindre. Mon courage lui faisait pitié, et il se répandait sur toutes ses paroles, sur ses gestes mêmes et sur son attitude, quand j’étais là, une sorte d’attendrissement. Elle sentait la lutte qui se faisait en moi ; mon obéissance flattait son orgueil, mais ma pâleur réveillait en elle son instinct de sœur de charité. Je la voyais parfois irritée, presque coquette ; elle me disait d’un air presque mutin : « Je n’y serai pas demain, ne venez pas tel jour. » Puis, comme je me retirais, triste et résigné, elle s’adoucissait tout à coup, elle ajoutait : « Je n’en sais rien, venez toujours » ; ou bien son adieu était plus familier, elle me suivait jusqu’à la grille d’un regard plus triste et plus doux.

« N’en doutez pas, lui disais-je, c’est la Providence qui m’a mené à vous. Si je ne vous avais pas connue, peut-être, à l’heure qu’il est, serais-je retombé dans mes désordres.