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Dame Pluche

Un verre d’eau, canaille que vous êtes ! un verre d’eau et un peu de vinaigre !

Le Chœur

D’où venez-vous, Pluche, ma mie ? Vos faux cheveux sont couverts de poussière ; voilà un toupet de gâté, et votre chaste robe est retroussée jusqu’à vos vénérables jarretières.

Dame Pluche

Sachez, manants, que la belle Camille, la nièce de votre maître, arrive aujourd’hui au château. Elle a quitté le couvent sur l’ordre exprès de monseigneur, pour venir en son temps et lieu recueillir, comme faire se doit, le bon bien qu’elle a de sa mère. Son éducation, Dieu merci, est terminée, et ceux qui la verront auront la joie de respirer une glorieuse fleur de sagesse et de dévotion. Jamais il n’y a rien eu de si pur, de si ange, de si agneau et de si colombe que cette chère nonnain ; que le seigneur Dieu du ciel la conduise ! Ainsi soit-il ! Rangez-vous, canaille ; il me semble que j’ai les jambes enflées.

Le Chœur

Défripez-vous, honnête Pluche, et quand vous prierez Dieu, demandez de la pluie ; nos blés sont secs comme vos tibias.

Dame Pluche

Vous m’avez apporté de l’eau dans une écuelle qui sent la cuisine ; donnez-moi la main pour descendre ; vous êtes des butors et des malappris.

(Elle sort.)
Le Chœur

Mettons nos habits du dimanche, et attendons que le baron nous fasse appeler. Ou je me trompe fort, ou quelque joyeuse bombance est dans l’air d’aujourd’hui.

(Ils sortent.)



Scène II

(Le salon du baron.)
Entrent LE BARON, MAÎTRE BRIDAINE, et MAÎTRE BLAZIUS.
Le Baron

Maître Bridaine, vous êtes mon ami ; je vous présente maître Blazius, gouverneur de mon fils. Mon fils